Mgr
Jérémie Blaquière aux Îles de
la Madeleine
Texte
et photographies Marie-Paule Hallé, petite-nièce de Mgr Jérémie Blaquière
Jérémie
était le frère de grand-maman Hallé (Judith
Blaquière). Né
le 6 août 1865 il était son ainé. Bien qu’il soit
décédé 2 ans avant ma
naissance, ce personnage revêtait beaucoup d’importance dans la
famille et plus
tard la rencontre de Madeliniens m’a confirmé à quel
point il était estimé et
présent dans leur mémoire. Grand-maman
ne parlait que très peu de sa famille et je n’avais pas non plus
cette
curiosité qui m’habite aujourd’hui. J’ai
su, plus tard, qu’elle était allée aux Iles de la
Madeleine de 1892 à 1895
aider son frère, avant de venir
à
Montréal. Mon grand-père,
lui, parlait
de son beau-frère avec beaucoup de respect.
Papa, pour sa part, racontait que son oncle aurait aimé
qu’il devienne
prêtre.
Je
l’ai surtout connu à travers certains hommages qui avaient
été publiés dans La
Presse et le Devoir
lors de cérémonies le
concernant. Il
avait rêvé dès son plus
jeune âge de
devenir prêtre. Pour
faire ses
études,
il avait travaillé comme commissionnaire pour un médecin
de Charlottetown où il
habitait. Ayant
risqué de mettre le
feu
alors qu’il étudiait à des heures tardives, on lui avait
dit de ne plus veiller
le soir dans sa chambre et il avait dû se lever de tôt
matin pour étudier. Il
avait
d’abord été enseignant, ce travail
lui a permis de faire des économies et de se rendre à
Québec pour obtenir un
doctorat en théologie. Le
9 juin
1892,
il est reçu prêtre et le
lendemain sa première
messe sera célébrée en présence de tous les
siens à North Rustico, Île du
Prince Édouard. Dès
septembre suivant,
il aura sa mission aux Iles qu’il ne quittera jamais. Il dessert la
paroisse de
Havre-aux-Maisons et les missions de Grand'Entrée et de
Pointe-aux-Loups. Il
exercera son
ministère avec zèle souvent
dans de mauvaises conditions. Les Îles
de la Madeleine relevaient en ce temps là du diocèse de
Charlottetown.
Il
fut un bâtisseur. D’abord il remplaça l’église de
Havre-aux-Maisons, puis en construisit
une nouvelle à l’Étang du Nord en 1900, l’Église
Saint-Pierre de
Lavernière. S’ajouta
un
presbytère à La
Vernière en 1924 et une académie pour l’éducation
des garçons qui ouvrit ses
portes en 1919. Quand
on a reconstruit
l’église de Hâvre-aux-Maisons, l’endroit n'était
pas alors pourvu de quai
permettant l'accostage des goélettes qui apportaient le bois de
construction. Le
déchargement
s'opérait
au moyen de radeaux que les paroissiens fabriquaient.
Le curé Blaquière, un jour qu'une violente
tempête
menaçait d'apporter le bois au large, n’hésita pas
à mettre les pieds à l'eau
allant à la rencontre des ouvriers, pour gagner du temps et
sauver les
matériaux qui devaient servir à la construction de
l’église.
Ayant
à cœur que ses paroissiens s’adonnent à l’agriculture
pour être plus autonomes,
il leur donnait l’exemple, homme fort et musclé il mettait la
main à la pâte,
travaillant lui-même sur la grande ferme qu’il possédait. Il avait aussi la
passion de la lecture et
des livres qui, selon sa ménagère, trainaient partout. Il
encourageait les jeunes à
s’instruire,
favorisant leur instruction à même ses deniers. Il fit des
démarches pour
l’obtention d’un bureau des diplômes pour les normaliennes de
Notre-Dame des
Flots. Il prêta
souvent les sommes
nécessaires à ses paroissiens dans le besoin, quitte
à prolonger les paiements
pour l’église. Il
avait un talent
d’organisateur et encourageait les sports d'hiver, les courses de
chevaux où
son coursier remporta souvent la palme. Il
présidait de bon coeur
toutes les fêtes qui se
célébraient aux Iles.
Vers 1908,
Mgr
Blaquière est allé au Rhode Island avec les frères
Cyr visiter des anciens
paroissiens, les Gaudet, installés à 10 km
de Providence. Ils
ont dû faire 10
km à pied,
en suivant le
chemin de fer. Il
se rendait au chevet
des malades, même ceux atteints de la grippe espagnole en 1918. Tant
d’efforts auront eu raison de sa santé robuste. Il
contracta l'asthme. Cette
maladie le fit
souffrir longtemps et devait l'emporter.
En 1932 on lui conféra le titre de Prélat de Sa
Sainteté. On
reconnaissait ainsi
les talents et les
vertus de celui qui durant 49 ans se dépensa si totalement au
service des Madeliniens. Le
4
avril 1941, alors qu'il était curé de la
paroisse St-Pierre
de Lavernière de l'Étang du Nord et de Cap-aux-Meules,
Mgr Blaquière
décédait. Beaucoup de
Madeliniens
malgré des chemins
impratiquables vinrent rendre un dernier hommage à cet homme au caractère trempé dont
la
valeur triomphe
du temps et de l’oubli.
En
2000, j’ai visité les Iles et j’ai pu me recueillir sur la tombe
de ce grand
oncle au cœur noble. Le
8 août
suivant,
j’ai rencontré le Père Frédéric Landry
directeur du Musée de la Mer de
Havre-Aubert. Le
père Landry alors
âgé
d’environ 70 ans a connu Mgr Blaquière quand il était
enfant de choeur. Il
m’a raconté
que Mgr Blaquière était
intelligent, cultivé, autoritaire.
À
son
décès, il a légué 25 000 dollars pour faire
instruire des jeunes.
Le
père Landry a lui-même bénéficié de 4
ou 5 années de séminaire payées par
l'héritage de Mgr Blaquière. Mgr
Blaquière, selon le père Landry, aurait pu jouer un grand
rôle politique par
son envergure, mais il avait choisi son ministère.
Sources :
La
Presse,
Montréal, jeudi 17 novembre 1932
Mgr O'Sullivan,
évêque de Charlottetown préside
l'investiture de Mgr Blaquière, P.D
Journal Le Devoir du 20 juin 1941
Vie de Mgr
J.A.
Blaquière par
Georgine Arsenault élève de l'École Normale N-D
des Flots
Regard sur le passé, Collection histoire :
Frédéric Landry Les
Éditions La Boussole
Tradition orale dans la famille |